Avez-vous déjà été à Goma, la capitale touristique de la République Démocratique du Congo (RDC) ? C’est une ville de l’est du pays située sur la rive nord du lac Kivu à 1500 mètres d’altitude dans la vallée du RIFT. Elle est le chef-lieu de la province du Nord-Kivu et compte 18 quartiers. “Dialogue Migration” a décidé de jeter l’ancre dans un de ses quartiers dénommé Bujovu à la rencontre de Salima Sudi, jeune artiste peintre et dessinatrice. Issu d’une famille de dix enfants, cette femme ne vit que de l’art. A travers ses pinceaux magiques, elle raconte et sensibilise les femmes grâce à ses œuvres.
Nous sommes le vendredi 03 février 2023, il est 07h du matin et le ciel cache mal les signes avant-coureurs d’une journée de pluie. Malgré un climat maussade, Salima Sudi, 25 ans, commence sa journée avec détermination. Pinceaux en main, vêtue d’une salopette, cette jeune fille de Bukavu au regard serein n’a qu’un seul objectif, le même que la veille, réussir sa vie grâce à ses dessins qui parlent d’eux même. Cette femme célibataire éperdument amoureuse du dessin et de la peinture a accepté de se confier à “Dialogue Migration”.
“Dialogue Migration”: D’où vous vient cette passion pour la peinture et le dessin?
Salima Sudi : Depuis mon enfance, j’ai toujours été passionnée par le dessin. Mes parents me rappellent souvent qu’à mes sept ans, déjà, je griffonais sur du papier et sur les murs.
J’ai toujours essayé de raconter des histoires à travers les images sans l’aide de personne. En grandissant, j’ai eu le goût d’en apprendre encore plus sur ma passion. C’est ainsi que je me suis inscrite à l’Union des jeunes artistes dessinateurs et peintres (UJADEP). Je me suis formée pendant trois ans, avant de faire une grande rencontre qui a changé ma vie. J’ai eu la chance de croiser Monsieur KAUSA, un artiste de renom qui à l’époque vivait entre Kigali (Rwanda) et Goma. Je me suis accrochée à lui et il m’a appris beaucoup de choses dans mon domaine.
A part M. KAUSA, est-ce qu’il y a d’autres personnes qui vous ont aidé à développer votre art?
Oui! J’ai plusieurs fois travaillé avec des Américains et des Européens. Depuis 2014, je collabore avec certaines organisations locales, nationales et internationales mais aussi avec d’autres artistes originaires d’autres pays d’Afrique.
Vous viviez à Bukavu, pourquoi avez-vous opté de quitter cette ville pour vous installer à Goma?
Il y a cinq ans, je vivais à Bukavu avec ma famille biologique. Et la vie coûte trop chère dans cette ville. Je viens d’une famille peu fortunée. Mon père n’a aucun contact pour me pistonner. Voilà pourquoi j’ai décidé de venir vivre à Goma pour commencer ma carrière de peintre et de dessinatrice.
Pensez-vous que votre vie d’aujourd’hui est mieux que celle que tu avais à Bukavu ?
Bien sûr que oui. Certes à Bukavu j’avais une vie, mais professionnellement parlant j’étais trop limitée. Je ne pouvais nullement croire que le dessin est un métier à part entière et que c’était possible de vivre de sa passion. C’est lorsque je suis arrivé à Goma qu’une cousine m’a conseillé d’aller m’inscrire à l’UJADEP pour perfectionner mon art et en faire un métier. J’ai pu postuler plusieurs fois dans des concours mais on ne me prenait nulle part. D’ailleurs, je pensais qu’on m’avait jeté un sort dans ma famille (Sourire aux lèvres).
C’est après ma formation que la chance a commencé à tourner en ma faveur avec pour la plupart du temps des contrats de consultance. Aujourd’hui, je n’ai pas besoin de faire autre chose que le dessin parce que grâce à mon travail je prends soin de ma famille .
Que pensez-vous globalement des migrations internes et de l’apport qu’elles peuvent avoir?
Pour moi la migration est en soit une bénédiction. Après ma formation à l’UJADEP, j’avais eu des petits contrats mais je n’étais pas encore efficace dans mon travail et je ne gagnais pas assez ma vie pour subvenir à tous mes besoins. Il y a de cela trois ans, je devais livrer une bande dessinée à une organisation humanitaire sur la non-exploitation des enfants dans des carrières minières à l’est de la RDC. Lorsque j’ai présenté le premier draft, le chargé de communication à travers ses corrections m’a orienté et m’en a beaucoup appris sur la peinture et le dessin. Grâce à lui, il y a plus d’art dans mes dessins. Donc, la migration c’est également l’échange de connaissance et le renforcement de capacité.
Quelles sont vos spécialisations dans les métiers de l’art ?
J’en connais une large palette dans le métiers de l’art et particulièrement de l’art plastique. Je réalise aussi des bandes dessinées, des boîtes à images, des tableaux, des cartes postales, des collages,… Dans le domaine de l’artisanat, je fabrique des bijoux.
Pourquoi êtes-vous dirigée vers un métier jugé difficile car considéré comme un métier masculin ?
Cela relève d’abord de l’ordre divin. C’est un don en moi. Ceux qui pensent qu’il existe des métiers destinés uniquement aux hommes ou aux femmes se trompent. Ils doivent savoir que nous disposons tous d’un don. Maintenant, c’est à nous d’exploiter ce talent pour pouvoir gagner notre vie. Chaque 8 mars, le monde célèbre l’émancipation de la femme. Mais, quand on voit la femme sortir du commun, pourquoi crier ? (Hochant la tête)
Vous représentez plus les femmes que les hommes dans vos dessins, pourquoi ?
Je fais passer des messages à travers mes dessins. Chaque année, en décembre, les organisations font des activités de sensibilisation pour les 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, mais rien ne change. Les femmes sont toujours violées, elles sont tuées… Voilà pourquoi je m’efforce de faire de mon mieux et peut être que de mes dessins sortiront une solution contre ces violences faites aux femmes dans mon pays.
Les femmes ne sont vraiment pas prises en compte et sont marginalisées dans presque tous les domaines de la vie sociale..
A travers mon art, je fais passer le message que la gent féminine ne doit pas être sous-estimée et doit être incluse dans toutes les instances de résolutions des problèmes de la société.
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