La crise politique qui secoue le Sénégal ces derniers mois avec les manifestations et la répression très violente ne garantit plus une stabilité aux populations. C’est la conclusion que la Commission espagnole d’aide aux migrants (CEAR) semble avoir tiré de la situation actuelle du Sénégal. C’est pour cette raison que cette organisation défend la thèse selon laquelle le rapatriement des migrants irréguliers sénégalais secourus en mer par la Garde Civile vers leur pays d’origine, est une atteinte grave aux droits humains.
Le prétexte est parti d’une pirogue partie du Sénégal avec 168 migrants et secourus par la Guardia Civil jeudi 24 août 2023, par le biais d’un de leur patrouilleur, avant d’être transportés à Nouadhibou, en Mauritanie pour y être déportés.
Le Gouvernement espagnol est accusé d’envoyer des candidats à la migration au purgatoire dans un pays où ils seront en danger. « Les autorités espagnoles doivent garantir les droits humains des personnes relevant de leur juridiction. La CEAR demande qu’on leur garantisse l’accès au processus de demande de protection internationale et rappelle que la situation politique et sociale actuelle au Sénégal est très délicate et pourrait mettre ces personnes en danger », affirme cette structure dirigée par Estrella Galán.
Dans un document partagé sur son site officiel, la CEAR a indiqué que les 168 migrants secourus le 24 août dernier par le patrouilleur Río Tajo se trouvaient sous la juridiction espagnole car ils étaient sous le contrôle effectif de la Garde civile.
Et pour cette raison, la Convention européenne des droits de l’homme devait être garantie « avant de les transférer et de les renvoyer vers un pays comme le Sénégal afin de ne pas encourir une éventuelle violation de la législation internationale, car cela pourrait être considéré comme un éventuel retour collectif ».
La CEAR de souligner dans son communiqué : « Entre autres questions, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) stipule que ces personnes ont le droit d’être informées par un personnel qualifié avec le soutien d’interprètes et de conseillers juridiques. La Haute Cour veille particulièrement à ce que les personnes ne soient pas renvoyées vers des pays où leurs droits et leur vie pourraient être en danger. En outre, elle souligne l’importance de l’accès à des procédures individualisées et à des recours efficaces dans lesquels la situation de chaque personne peut être identifiée et évaluée individuellement ».
La Commission espagnole d’aide aux migrants a indiqué que « parmi les personnes secourues, il pourrait y avoir des personnes ayant besoin d’une protection internationale. Quelque chose que la Garde civile doit prendre en compte en les informant correctement, en enregistrant leur demande si nécessaire et en les transférant en Espagne afin qu’ils puissent la formaliser auprès des autorités compétentes »
« Au Sénégal, les droits d’une grande partie de la population menacés »
L’organisation espagnole dont la mission est de porter assistance aux migrants a pointé du doigt la situation politique très tendue qui prévaut au Sénégal pour justifier l’idée selon laquelle, ces 168 personnes ne devaient pas être rapatriées dans leur pays d’origine. « L’organisation prévient qu’en ce moment au Sénégal, les droits d’une grande partie de sa population ne sont pas garantis en raison de l’instabilité croissante du pays, où des milliers de personnes ont été arrêtées pour avoir manifesté contre le gouvernement, dont le principal chef de l’opposition qui est actuellement en prison », indique La CEAR.
Avant que sa directrice générale ne s’en prenne au ministère espagnol de l’Intérieur. « Le ministère de l’Intérieur doit immédiatement arrêter ce retour afin de ne pas violer nos engagements et obligations internationaux. Le renvoi de ces 168 personnes vers un pays comme le Sénégal, qui traverse une situation politique et sociale très délicate, pourrait entraîner une grave violation des droits et être considéré comme un retour collectif », a dénoncé madame Estrella Galán,
La CEAR dénonce les accords sur l’externalisation des frontières
Selon l’organisation, ce cas précis des 168 migrants sénégalais rapatriés est un exemple clair du risque que comportent les accords conditionnés au contrôle des migrations ou à l’externalisation des frontières pour la coopération au développement et les droits.
« La Mauritanie est devenue, ces dernières années, un partenaire stratégique pour stopper l’arrivée de migrants en Espagne et en Europe, au détriment des droits humains. Cependant, à cette occasion, même les énormes sommes d’argent que reçoit le pays africain n’ont pas suffi à ouvrir ses ports aux personnes secourues dans ses eaux », déplore La CEAR.
Qui regrette que les politiques d’immigration « qui se sont révélées inefficaces continuent d’être poursuivies, au lieu de mettre les personnes et leurs droits au centre, en ouvrant des voies légales et sûres afin que personne ne soit obligé de monter sur un bateau précaire et de risquer leur vie, leur vie dans leur tentative d’atteindre l’Europe ».
Les 168 migrants finalement rapatriés au Sénégal jeudi 31 août
Le journaliste espagnol spécialisé dans les questions migratoires a donné jeudi des nouvelles des migrants sénégalais rapatriés. Ils sont rentrés et détenus dans un commissariat dakarois avant d’être libérés. « L’Espagne s’est débarrassée des 168 personnes sauvées par un patrouilleur de la Garde civile dans l’Atlantique. Il les a transférées sur un navire sénégalais malgré leur sauvetage dans les eaux mauritaniennes. Ils ont été emmenés sur un autre bateau vers Dakar et aujourd’hui, une semaine après le sauvetage, ils se trouvent actuellement dans un commissariat sénégalais. Il est probable, d’après ce qui a été observé ces derniers mois, que certains d’entre eux fuyaient pour des raisons politiques la police devant laquelle ils se trouvent à cette heure », a-t-il écrit sur son compte X (ex-Twitter).
C’est notre confrère qui travaille pour la Cadena De Ser et El Pais, indique que 47 autres personnes ont été secourues le vendredi 1er septembre aux Îles Canaries par la Marine espagnole sur une pirogue partie du Sénégal.
Et qu’au courant du mois d’août 2023, en moyenne, 91 migrants sont débarqués par jour sur les côtes espagnoles. Il souligne qu’à la même période en 2022, il y avait 33 migrants enregistrés par jour. Il faut ajouter à cela que les migrants irréguliers ont constitué 25% des arrivées dans le pays, et 8 migrants sur 10 sont venus à bord de pirogues.
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