En Afrique de l’Ouest, la mobilité est profondément enracinée dans l’histoire et a été un facteur majeur de développement dans la région. La région enregistre le taux le plus élevé de flux migratoires interrégionaux en Afrique subsaharienne, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiées (UNHCR, sigle en anglais). Qui précise que 70% des mouvements migratoires en Afrique de l’Ouest se font au sein de la région.
Ces dernières années, en Afrique de l’Ouest, la migration irrégulière et le trafic illicite de migrants vers l’Afrique du Nord et l’Europe ont considérablement augmenté, selon le Représentant régional de l’Afrique de l’Ouest du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, Robert Kotchani.
Il souligne que les pays d’Afrique de l’Ouest, considérés auparavant uniquement comme des pays de départ, sont également devenus des pays de transit, de destination et de plus en plus souvent des pays qui accueillent de plus en plus des ressortissants qui optent pour le retour au bercail.
S’entretenant avec “Dialogue Migration” sur les causes des déplacements intracontinentaux des migrants ouest-africains, M. Kotchani explique que les raisons qui poussent les personnes en Afrique de l’Ouest à se déplacer sont complexes et nécessitent donc une réponse globale. Se basant sur les informations disponibles, il énumère plusieurs facteurs qui peuvent être identifiés comme des vecteurs de migration. Il y a tout d’abord la longue tradition de migration dans la région ouest-africaine. Mais également : « un large éventail de violations des droits économiques, sociaux, culturels, politiques et civils, divers instabilités et conflits, ainsi que des changements environnementaux et les catastrophes naturelles ainsi que les impacts négatifs du changement climatique » dit-il.
Des causes historiques et cultuelles
Parmi les raisons qui poussent les subsahariens à migrer vers l’Afrique de l’Ouest, il y a celles historiques. La Conférence de Berlin (du 15 novembre 1884 au 26 février 1885) à l’issue de laquelle les frontières africaines ont été arbitrairement tracées en est une.
Le cas de la Gambie et du Sénégal est assez édifiant selon Robert Kotchani qui explique que ce sont des parents qui ont été divisés par les frontières.
« C’est très courant de voir quelqu’un qui se retrouve à la frontière sénégalo-gambienne et qui vous dit qu’il va traverser pour aller voir sa cousine ou son frère qui est de l’autre côté La même chose se passe pour le Bénin vis-à-vis du Nigeria, du Niger, ou du Burkina Faso, ainsi que du côté du Sud du Bénin vers le Togo etc. »
En ce qui concerne les motifs culturels qui peuvent emmener les migrants africains à se déplacer d’un point à un autre du même continent, notre interlocuteur revient sur une situation qui prévaut entre la RDC et l’Ouganda.
Il explique qu’il y a une tribu ougandaise dont les vrais chefs qu’on consulte lors des cérémonies se trouvent en RDC. « C’est vrai que les deux pays ont une frontière, mais celle-ci a accidentellement divisé les peuples de telle manière que les uns sont obligés de traverser la frontière pour aller faire une cérémonie et retourner chez eux en Ouganda » relate-t-il.
«Avant, c’était le même peuple » dit-il. Et de poursuivre : “Mais avec l’érection des frontières, certains sont devenus Ougandais et d’autres Congolais ». Selon notre expert, on retrouve cette particularité au Bénin, avec certaines tribus frontalières qui ont des cérémonies culturelles importantes au Nigéria. Tout simplement, parce qu’elles sont originaires du Nigéria, mais qu’elles sont restées au Bénin.
La monnaie, le commerce et la stabilité
En dehors des facteurs culturels et historiques, il y a des facteurs politico-économiques. L’accord signé entre les Etats de l’Afrique de l’ouest pour une libre circulation des biens et personnes et la monnaie commune que partagent ses populations, font que c’est plus facile d’aller et de venir dans cette partie de l’Afrique. « Dans le cadre de la Cedeao, en Afrique de l’Ouest avec l’Uemoa, il y a la monnaie commune dans plusieurs Etats dans une même région. Ce qui fait qu’il y a plus de déplacements des populations. Si vous prenez le cas de la Côte d’Ivoire, c’est un Etat qui recevait pendant longtemps des populations du Burkina, du Mali, du Bénin, du Sénégal à cause de l’El Dorado que représente toujours ce pays à cause du Cacao et du café. Et au-delà de ce facteur économique, la stabilité que la Côte d’Ivoire a connue jusqu’aux événements de décembre 1999 avec le premier coup d’Etat qui a renversé Henri Konan Bédié. Mais il y a une très forte diaspora burkinabé, malienne, togolaise, béninoise qui sont en côte d’Ivoire », indique notre source qui exerce au Bureau régional des Nations Unies pour les droits de l’Homme à Dakar.
Il ajoute : « En Afrique de l’Ouest, puisque le visa a été aboli entre pays, il est plus facile de traverser les frontières sans visa. Donc il y a beaucoup d’activités commerciales. Les gens peuvent venir de Côte d’Ivoire acheter des choses au Sénégal pour les revendre à Abidjan, aller au Bénin, au Togo etc. Donc il y a tous ces facteurs-là. Facteurs économiques, facteurs historiques, facteurs de stabilité. C’est vrai qu’il y a des Etats qui ont connu la guerre comme le Nigéria, La Sierra Léone et autres. Mais d’une façon générale, ce qu’on peut voir, c’est que l’Afrique de l’Ouest est une région plutôt stable qui favorise les déplacements des populations et la Migration dans son ensemble ».
Les raisons sécuritaires
Il y a également une bonne proportion de migrants qui fuient les conflits dans leurs pays respectifs pour se rendre dans les Etats voisins. En fuyant les guerres et l’instabilité, ils sont souvent exposés à la traite et à la violation de leurs droits les plus élémentaires. L’absence de voies de migration régulières sûres et accessibles pousse un grand nombre de ces personnes migrantes à voyager de manière irrégulière et dangereuse.
« Les migrants, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, sont susceptibles d’être plus vulnérables à la discrimination, à l’exploitation et à la marginalisation pendant leur parcours migratoire mais également lors de leur retour. En outre, les migrants en situation irrégulière craignent souvent de signaler les violations auxquelles ils sont confrontés aux autorités des pays de transit et de destination par peur d’être arrêtés et expulsés », indique notre expert des Nations Unies, spécialisé dans les Droits humains.
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