Nombreux sont les subsahariens qui quittent le continent pour rejoindre certains pays européens. Que ce soit de manière régulière ou non, le problème pour beaucoup d’entre eux reste l’obtention du droit d’asile. L’Europe durcit de plus en plus sa politique migratoire pour les ressortissants des pays subsahariens. Au même moment, certains demandeurs d’asile sont favorisés (Allemagne qui accepte en masse entre autres, les demandes d’asile des réfugiés Syriens, Afghans et traîne le pas pour les ressortissants subsahariens). Ce qui constitue, d’après les hommes de droit, une atteinte aux droits humains ou tout simplement à la dignité humaine.
Chaque jour, les médias montrent des images à peine soutenables de migrants qui meurent en traversant le désert. Ou encore des bateaux et pirogues de fortune qui chavirent au large des côtes européennes emportant avec elles des personnes qui rêvaient d’une vie meilleure. Ces images démontrent la difficulté de rejoindre l’Europe pour beaucoup d’Africains. Toutefois, ces périples ne sont que la partie visible de l’iceberg, car une fois en Europe, les migrants ne sont pas au bout de leurs peines. Il leur reste entre autres, l’épineuse question de la demande d’asile.
Les côtes espagnoles, italiennes sont pour beaucoup de migrants africains des portes d’entrées de l’Europe. Ces pays sont proches de l’Afrique et servent très souvent de pallier pour rallier d’autres localités européennes telles que l’Allemagne, la Suisse, la Hollande, explique Da Sié De Bindouté, Sociologue et journaliste. Individuellement ou collectivement, certains États européens travaillent à limiter le flux migratoire sur leur territoire explique le sociologue.
« Du côté italien, l’arrivée de plus de 600 000 migrants entre 2014 et 2017 a créé une forte pression sur le gouvernement. Pour y répondre, M. Minniti, ministre de l’Intérieur (2016-2018), conçoit une stratégie centrée sur la réduction des départs de Libye et une réorganisation, plus restrictive, du système d’accueil italien, qui montre son efficacité à partir de 2017 en termes d’arrivées sur le territoire italien », détaille Aldo LIGA, analyste, dans une étude de IFRI.
En France, « l’accès au territoire est de plus en plus difficile et les procédures plus complexes pour les demandeurs d’asile. Les demandes en France ont chuté de moitié en trois ans, passant de 50 000 à 25 000. C’est le résultat des politiques restrictives menées par les gouvernements successifs. De nombreux textes sont responsables de cette dégradation, les uns concernant la situation des demandeurs d’asile sur le territoire, les autres l’accès à l’asile aux frontières françaises », explique Patrick Delouvin, Responsable du Pôle France de la Section française d’Amnesty International.
Le livre Migration Société revient sur l’évolution de la situation migratoire de l’Espagne de 1991 à nos jours. Selon l’auteur, Jean David Sempere Souvannavong, c’est à partir de 1991, dans la perspective de l’adhésion de l’Espagne à l’accord de Schengen (5 juin 1991), que le visa est imposé à un nombre croissant de ressortissants étrangers, à commencer par les Maghrébins (15 mai 1991), qui constituent de loin le principal groupe d’étrangers en Espagne en termes numériques. Au moyen des visas, l’Espagne prend en main le contrôle des entrées, décision suivie par l’apparition des pateras (les embarcations de fortune utilisées par les migrants).
Des mesures pour stopper le flux migratoire des Africains ?
Le durcissement des textes dans le but de contrer les migrants est dû à plusieurs facteurs sociaux. Il s’explique par la montée de l’extrême gauche en Europe. Il y a aussi un manque d’emploi à l’intérieur des pays mais il y a de plus en plus de problèmes sociaux et économiques, éclaire le sociologue Da Sié De Bindouté, qui précise que les pays européens font face à une crise économique et ont des difficultés à satisfaire leur population. Il y a le chômage et les immigrés quand ils arrivent ils ne trouvent pas de boulot.
Pour Dr Evariste Djimasdé, spécialiste des droits de l’homme et de la justice pénale internationale, le durcissement a deux messages essentiels : le premier qui est destiné aux demandeurs d’asile et ceux qui sont restés sur place dans les pays africains. Et cela, poursuit-il, « se fait sur la base d’instrumentalisation de la population européenne contre les immigrés, en même temps on veut faire croire à l’opinion publique européenne que des mesures sont prises pour assurer leur sécurité à tous les niveaux (emploi, santé, violence…) indexant les demandeurs d’asile comme étant les dangers ».
Outre le prétexte social évoqué pour stopper le flux migratoire des africains, il y a également la question raciale. Les traitements sont particulièrement « inhumains, cruels et dégradants à l’endroit des Africains », déplore Dr Evariste Djimasdé. Le sociologue Da Sié De Bindouté estime quant à lui que c’est tout simplement du racisme : « Les Européens peuvent accepter les immigrés chrétiens, mais ils ne veulent pas voir ceux musulmans » soutient-il. Selon lui, c’est parce que les Européens craignent un repeuplement par les Noirs.
Il est convaincu que l’Occident, vis-à-vis de l’Afrique, raisonne sur la base raciale. C’est ce qui justifie, à ses yeux, le traitement de faveur accordé aux autres immigrés non africains tels que les syriens, les ukrainiens… Dr Evariste Djimasdé pense quant à lui, qu’il y a de l’émotion sélective et la mort au km qui fait que les Européens sont très sensibles et tolérants d’une certaine manière vis-à-vis des personnes avec lesquelles ils ont la proximité géographique ou encore la même couleur de peau.
L’Europe n’est pas prête à desserrer l’étau en ouvrant sa porte aux demandeurs d’asile. Bien au contraire, elle continue à entreprendre des actions fortes pour empêcher les ‘’envahisseurs’’ estiment les deux spécialistes.
Ces actions se matérialisent par les difficiles conditions d’obtention des visas au niveau des ambassades. Dans ces institutions, des demandeurs de visa sont soumis à une série de questions. Ensuite, ils doivent prouver qu’ils ont des moyens mais également justifier les raisons de leur voyage, chose qui nécessite beaucoup de tractations. Cela constitue une atteinte aux droits humains lorsqu’on pose des questions à un être humain jusqu’à dans son intimité, estime Da Sié De Bindouté qui précise : « ils ont financé au niveau des frontières du Maroc et de la Tunisie, un système de sécurité complexe : on a mis des barbelés et des barrières pour empêcher les gens d’y aller. Mais aussi en pleine mer, on les empêche souvent d’atteindre l’Europe. Mais si malgré tout tu y arrives, tu vas faire face au problème lié aux papiers de séjour ».
Des mesures contreproductives à l’origine des départs
Pour le spécialiste des droits de l’homme, le Dr Evariste Djimasdé, les mesures contreproductives comme la déstabilisation de la Libye, le soutien accordé aux dictateurs en Afrique, le pillage des ressources naturelles de ces pays ou le maintien du franc CFA avec ses effets pervers, plombent ces pays. Obligeant ainsi ses populations à partir vers d’autres horizons. «Les immigrés vont en Europe pour fuir des guerres, des pillages économiques qui ont créé du désordre dans certains pays et qui ont amené les gens à migrer », renchérit Da Sié De Bindouté.
S’agissant du respect des droits des étrangers, c’est un euphémisme de dire que les conditions d’accueil des personnes qui demandent l’asile dans ces différents pays sont déplorables, souligne Dr Evariste Djimasdé. L’immigration va s’accentuer tant et aussi longtemps que ces politiques décriées ont cours, conclut-il.
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