La Migration n’est pas un délit, encore moins un crime. Aussi longtemps que remonte l’humanité, l’homme a toujours senti le besoin de se déplacer d’un point de la terre à un autre pour trouver de meilleures conditions de vie ou pour diverses autres raisons. L’apparition des communautés et des frontières à une certaine étape de la vie sur cette planète a été accompagnée de certaines règles qui ont beaucoup évolué au 21e siècle. Conséquence, un Sahélien privé du minimum vital dans sa terre d’origine, ne peut plus aspirer à se déplacer spontanément et sans contrainte vers l’Hexagone, le Golfe ou l’Amérique. Tandis que pour les populations des pays du Nord avides de découvertes ou de richesses et autres ressources naturelles, le voyage vers les pays du Sud se fait souvent sans problème. De quels droits disposent les Migrants « irréguliers » en terre d’accueil.
Qu’est-ce qu’un Migrant et qu’est-ce qu’un réfugié, selon les conventions et organisations internationales ? Que faire pour alléger les contraintes et faciliter les déplacements des personnes d’un pays/continent à un autre ? Quelles réponses des pays africains face à la politique migratoire de blocage de l’Occident ? Des questions parmi d’autres que Dialogue Migration a soumis à deux experts dans le domaine qui ont apporté leur éclairage sur la question
Docteure Mélodie Beaujeu, diplômée du Centre d’Études européennes (CEE), Consultante spécialisée sur les migrations internationales pour diverses organisations internationales et organismes français de coopération, a abordé avec nous les quatre premières questions sur les aspects techniques qui encadrent les déplacements et la résidence des migrants dans leurs pays d’accueil.
Dans le contexte mondial actuel marqué par les guerres, la pauvreté et la famine, les personnes qui quittent leurs pays pour se rendre dans d’autres contrées ont-ils des bases juridiques pour s’y installer ?
Mélodie Beaujeu : Oui s’ils obtiennent le statut de réfugié d’après les critères de la Convention de Genève (pour les guerres – réfugiés politiques mais pas la pauvreté ni la famine).
En dehors des réfugiés, comment les personnes à la recherche de meilleures conditions de vie, à qui on refuse l’accueil dans les pays occidentaux, sont protégées par le droit international ?
MB : Il s’agit donc des immigrés irréguliers ou sans papiers qui n’ont pas obtenu de droit de séjour. Cela varie selon les pays (en termes de droits sociaux) mais au minimum leurs droits fondamentaux doivent être respectés d’après la déclaration universelle des droits de l’homme. Voir aussi la Convention internationale des droits des travailleurs migrants et de leurs familles (qui inclue aussi les irréguliers) pour les États signataires (très peu en Europe).
Les Frontières qui séparent les pays, les continents, constituent depuis belle lurette un frein à la libre circulation des biens et des personnes. Comment le droit international et ses praticiens comme vous comptent remédier à ça pour réorganiser, alléger les déplacements des pays du Sud vers ceux du Nord ?
MB : Il faut développer les opportunités de migration légale ou régulière, en tenant compte des besoins des pays d’accueil (qui ont besoin de main d’œuvre dans de nombreux secteurs) mais aussi de ceux des pays d’origine (fuite des cerveaux). Le problème actuel est l’absence de rationalité sur ces questions et
les fortes variations en fonction des gouvernements des pays occidentaux.
Quels sont les freins juridiques pour des pays comme le Sénégal à l’application de la réciprocité sur l’octroi de visas vis-à-vis des pays européens ?
MB : Il me semble qu’il y ait eu une tentative en ce sens par le passé. Le risque serait la surenchère de restrictions selon une logique de « œil pour œil / dent pour dent » qui ne serait guère constructive ni bénéfique. En ce qui concerne le Sénégal, cela serait clairement un frein à la coopération pour le développement et au tourisme.
Dialogue Migration a également tendu le micro au Professeur Aly Tandian, président de l’Observatoire Sénégalais des Migrations. Il est revenu avec nous sur les tracasseries vécues par les demandeurs de visas africains dans les ambassades et consulats étrangers. Mais également sur les conditions qui entourent l’asile.
Un Africain qui dépose un dossier complet de demande de visa voit souvent les
ambassades le lui refuser. A-t-il la possibilité de porter l’affaire devant les juridictions internationales et d’avoir gain de cause ?
Aly Tandian : Si les autorités consulaires du demandeur de visa rejettent la demande de visa, celui-ci peut leur demander de revoir leur décision ou saisir la Commission de recours contre les décisions de refus de visa si c’est le cas de la France. Il faut rappeler qu’une décision de refus de visa peut prendre deux formes. Elle est expresse si vous recevez une notification de refus écrite du Consulat ; le refus est implicite si vous ne recevez pas de réponse dans les deux mois qui suivent le dépôt de votre demande. S’agissant de la France, depuis le 1er novembre 2016, les autorités consulaires ont l’obligation de motiver leurs décisions de refus de visa pour les étudiants étrangers, reste à vérifier pour les autres catégories de demandeurs de visa.
Toujours s’agissant de la France, si le recours gracieux n’a pas trouvé d’issue positive, le demandeur de visa peut saisir la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV). Cette démarche est un préalable obligatoire avant tout recours devant un juge administratif. Elle doit intervenir dans un délai de 30 jours après constatation de refus exprès ou implicite de visa. La Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France peut être saisie par le demandeur de visa, par son avocat ou par un membre de sa famille disposant d’un mandat.
Quelles sont les procédures pour un Africain dont le pays n’est pas en conflit, d’obtention du droit d’asile, du statut de réfugié dans un pays européen ?
AT : Vous savez, le statut de réfugié est reconnu en application de l’article 1er A2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 qui stipule que : “le terme de réfugié s’applique à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner”. Les personnes reconnues réfugiées sont placées sous la protection juridique et administrative; elles ont vocation à bénéficier d’une carte de résident valable 10 ans en application de l’article L.424-1 si la demande est faite.
Sur la base des définitions établies par l’Organisation internationale pour les migrations et reprise par Dialogue Migration, un réfugié, c’est une personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner, selon la Convention relative au statut des réfugiés.
Quant au migrant, c’est un terme générique non défini dans le droit international qui, reflétant l’usage commun, désigne toute personne qui quitte son lieu de résidence habituelle pour s’établir à titre temporaire ou permanent et pour diverses raisons, soit dans une autre région à l’intérieur d’un même pays, soit dans un autre pays, franchissant ainsi une frontière internationale. Il englobe un certain nombre de catégories juridiques de personnes bien déterminées, comme les travailleurs migrants ; les personnes dont les types de déplacements particuliers sont juridiquement définis, comme les migrants objets d’un trafic illicite ; ainsi que celles dont le statut et les formes de déplacements ne sont pas expressément définis par le droit international, comme les étudiants internationaux.
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